Les Roses de Rosetta
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Les Roses de Rosetta


 
AccueilDernières imagesS'enregistrerConnexion
-39%
Le deal à ne pas rater :
Ordinateur portable ASUS Chromebook Vibe CX34 Flip
399 € 649 €
Voir le deal

 

 "The Gambling Joint"

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
Johnny Farrell
I run the joint
Johnny Farrell


Messages : 36
Date d'inscription : 31/10/2008

"The Gambling Joint" Empty
MessageSujet: "The Gambling Joint"   "The Gambling Joint" Icon_minitimeDim 9 Nov - 18:53

The Gambling Joint

"The Gambling Joint" 99gq3o
Revenir en haut Aller en bas
Rosetta Farrell

Rosetta Farrell


Messages : 17
Date d'inscription : 31/10/2008

"The Gambling Joint" Empty
MessageSujet: Re: "The Gambling Joint"   "The Gambling Joint" Icon_minitimeMar 11 Nov - 3:56

"THE GAMBLING JOINT", par Johnny Farrell et Rosetta



1945. Etats-Unis.Chicago, Illinois.


Chapitre 1


Un pâle soleil automnal déclinait derrière les façades des buildings en ce soir d’octobre 1945. C’était un samedi, le sixième jour du mois. Les innombrables jardins de la ville de Chicago, Illinois, seraient bientôt plongés dans la pénombre. Cela n’empêcherait point les amoureux de venir se promener encore près de Lincoln Park, profitant au contraire de l’étrange paysage nocturne, des reflets que dessinerait la lune sur les eaux troublantes du lac Michigan. Chicago s’assoupissait mais ne dormirait point, à l’image de sa rivale new-yorkaise située à quelque 1280 kilomètres de là. La Windy City avait elle aussi son Broadway et ce quartier de cinémas, théâtres, restaurants, cabarets et night-clubs s’animait au contraire lorsque se couchait l’astre du jour. La guerre était finie. Le spectacle continuait de plus belle.

Renversé dans un confortable fauteuil de cuir, Johnny Farrell contemplait les volutes de fumée qui montaient vers le plafond, échappées de sa cigarette. Il attendait à son bureau l’heure de faire ouvrir son établissement, un night-club abritant un casino clandestin. Comme chaque semaine, la soirée du vendredi fut bonne pour les affaires, mais celle du samedi ne l’était pas moins. La fermeture du dimanche lui permettrait de prendre un peu de repos avant de commencer une nouvelle semaine. Farrell était depuis maintenant plusieurs mois le bras droit du propriétaire de l’établissement, un homme étrange qu’il voyait rarement. Sans en être officiellement directeur, Farrell en avait les responsabilités pour ce qui était de gérer les comptes du night-club et du casino clandestin, mais aussi pour d’autres taches tel le recrutement du personnel. Il n’avait cependant pas le pouvoir de prendre lui-même des décisions d’importance. La journée de Farrell se déclinait chaque semaine de la même manière. Il se levait en fin de matinée ou en début d’après-midi et se mettait au travail le soir venu. C’était lui qui occupait le bureau propriétaire des lieux, aussi cela renforçait son statut de directeur officieux. Il logeait également sur place, dans un petit appartement d’appoint situé derrière le bureau que le propriétaire avait parfois occupé par le passé. Johnny n’avait nulle autre maison. Lorsque l’établissement fermait ses portes, à l’orée du jour, il se couchait sur un canapé qu’il faisait préparer et s’endormait ainsi.

L’étrange méditation de Farrell fut arrêtée par deux coups tapés dans la porte. Il tira une nouvelle bouffée de sa cigarette avant de répondre.
- Entrez !
Il se redressa sur son fauteuil en voyant la silhouette familière de Casey, l’un de ses hommes de main. C’était un irlandais jovial qui réservait cependant sa bonne humeur pour les moments où il n’était pas en présence de la clientèle. Son travail consistait habituellement à garder l’escalier menant au bureau, situé sur une immense mezzanine de laquelle Farrell pouvait avoir un œil sur le night-club comme sur la salle de jeu grâce à des sortes de meurtrières aux panneaux coulissants et à des panneaux de contrôle. La mezzanine, insonorisée et à l’épreuve des balles, était ainsi pourvue d’un équipement des plus modernes. L’unique accès au bureau par l’extérieur était le passage par une double porte capitonnée. Farrell n’en entendit pas moins fort distinctement Casey frappant à la porte. Ce dernier s’occupait parfois de conduire dans le bureau les clients surpris en train de tricher. C’était en Casey que Farrell faisait le plus confiance parmi ses employés et il était le seul à avoir la permission de l’appeler « Johnny ».
- Johnny, il y a une femme bizarre devant l’entrée du night-club ! Elle est devant la porte vitrée, elle regarde mais elle ne bouge pas ! C’est comme si elle avait mis de la glue sous ses souliers !
Farrell écrasa sa cigarette dans le grand cendrier placé devant lui. Il sourit rapidement à Casey pour lui montrer qu’il écoutait son histoire. Il ajusta ses bretelles et passa son blazer rayé.
- Ah ? Et que veut-elle ? Quelqu’un le lui a demandée ?
Suivi par Casey, hilare sans trop savoir pourquoi, Farrell alla dans la pièce privée située derrière le bureau, celle où il dormait. Il se plaça devant un grand miroir pour bien placer sa cravate entre les deux pans croisés du blazer et pour vérifier que la pochette était bien mise.
- Non, on ne lui a rien demandée, j’ai pensé que vous aimeriez voir !
- Laisse-moi d’abord inspecter le casino. Nous ouvrons binetôt.
Farrell quitta la mezzanine puis descendit l’escalier suivi de son homme de main.

Tout était prêt, les croupiers étaient à leur poste. Les deux tables de roulette et la table de blackjack n’attendaient plus que la venue des flambeurs. La salle de jeu n’était pas très grande en somme mais la clandestinité imposait de réserver la plus grande superficie du bâtiment au night-club qui, lui, avait pignon sur rue. Farrell l’inspecta à son tour. Tout était parfait. Les serveuses étaient habillées, les barmen étaient là et l’orchestre répétait un morceau de jazz derrière la piste de danse. Farrell acheva sa tournée par les lavabos et les toilettes, le domaine d’un petit homme moustachu aux cheveux blancs, malicieux et se disant philosophe que tous appelaient Oncle Pio. L’établissement allait pouvoir accueillir les clients dans quelques minutes.
- Je vais voir cette fille si elle est encore là ! annonça Farrell, cependant suivi de Casey.
Elle était bien toujours là mais n’était plus à regarder la salle de restaurant du night-club encore déserte. Farrell découvrit, de l’autre côté de la porte vitrée, une jeune fille en pleurs, prostrée. Il était maintenant intrigué.
- Ce n’est pas une cliente, dit-il à Casey, elle ne porte pas de robe du soir. Elle a plutôt l’air mal fagotée. Elle a l’air de ne pas oser entrer, mais pourquoi entrerait-elle ?
- Elle s’est peut-être perdue !
Farrell avança jusqu’à la porte. Dehors, les clients commençaient à arriver. Ils descendaient d’élégants coupés ou bien de taxi. La jeune fille ne les avait pas vus aussi fut-elle quelque peu bousculée. Elle se redressa et vit alors Farrell qui l’observait. Elle avait peur, elle s’enfuit avant qu’il ne puisse faire un geste pour la retenir, alors qu’il passait la porte et s’approchait d’elle. La jeune fille manquait de souffle. Manquant heurter les gens qui entraient dans un cinéma, elle tourna à l’angle d’une petite ruelle sombre qui donnait sur l’arrière.

Chargeant Casey de faire entrer les premiers clients, Farrell partit en trombe à la poursuite de la jeune fille. Il ne comprenait pas lui-même pourquoi faisait-il cela alors qu’il ne la connaissait pas, mais en vérité l’air désemparé de cette inconnue avait su le toucher. Lorsqu’elle avait levé son visage vers lui, il avait vu un joli minois désespéré, les larmes dans ses yeux. Farrell courait bien plus vite que la jeune fille, d’autant qu’il n’hésitait pas à bousculer les passants. Il fut surpris de la perdre de vue. Il tourna et se dirigea, en marchant cette fois, dans les rues assombries de la ville, derrière la grande rue éclairée. Il ne la voyait toujours pas. Soudain, Farrell entendit des cris. Le cœur battant, il comprit qu’il s’agissait d’elle. Il n’eut guère loin à aller. Il la découvrit au fond d’une impasse, près d’un tas d’ordures appartenant aux cuisines d’un restaurant tout proche et dont l’impasse donnait sur l’arrière. La jeune fille s’était perdue, elle ne connaissait visiblement pas les lieux. Elle était tombée entre les mains de trois agresseurs. L’un d’eux l’avait empoignée comme elle s’apprêtait à rebrousser chemin, se rendant compte de son erreur. C’était là son premier cri, elle n’avait pas vu qu’il y avait quelqu’un. Le deuxième cri vint lorsque deux autres hommes sortirent de l’ombre. Ils attendaient la sortie des cinémas, des théâtres, des restaurants, des cabarets et des night-clubs pour jouer les pickpockets, mais la présence de cette jeune fille seule qui leur tombait sur les bras comme un cadeau était une bien belle occasion. Le quatrième cri mourut dans sa gorge dans un gémissement de terreur. Ils l’avaient plaquée contre un mur. On lui tenait les poignets au-dessus de la tête. Le ciment griffait sa peau délicate et la faisait saigner. Ces hommes avaient des yeux de chat à force de rôder la nuit. Ils se réjouissaient de la trouver jolie malgré ses pauvres habits.
- La jolie poupée !
Elle fut bien vite renversée sur le sol dur et froid et si sa tête ne tapa point ce fut uniquement parce que l’homme qui lui tenait les poignets l’avait placée sur ses cuisses comme un oreiller, agenouillé derrière elle. L’intervention de Farrell fut la réponse du Ciel aux prières désespérées de la jeune fille. Il venait de se jeter sur deux des hommes et distribuait des coups de poings des plus violents. Le troisième repoussa la jeune fille qui roula sur le côté sans se faire mal. Il avait un couteau. Cela n’impressionna pas Farrell qui le désarma aussi vite que ses amis. Trois hommes ne lui faisaient pas peur. Il les avait assommés. Farrell s’avança vers la jeune fille. Elle venait de perdre connaissance.
Revenir en haut Aller en bas
Rosetta Farrell

Rosetta Farrell


Messages : 17
Date d'inscription : 31/10/2008

"The Gambling Joint" Empty
MessageSujet: Re: "The Gambling Joint"   "The Gambling Joint" Icon_minitimeMar 11 Nov - 3:57

Farrell retourna au night-club, portant la jeune fille dans ses bras. Il ne voulait pas appeler la police ni la confier à un médecin. Il se sentait responsable d’elle : elle s’était enfuie alors qu’elle se trouvait devant son établissement, elle avait eu peur de quelque chose et à cause de cela elle s’était perdue et était tombée dans la gueule du loup. De plus, il l’avait sauvée. Il était passé par une entrée de service pour éviter d’être vu de ses clients mais il était obligé de passer par le grand escalier pour rejoindre la mezzanine. Il fit appeler Casey et lui donna l’ordre de détourner l’attention de tous le temps qu’il monte l’escalier avec la jeune fille, promettant à son homme de main de lui expliquer plus tard ce qui était arrivé, voyant sa bonne bouille ronde faire une petite grimace de curiosité. Casey savait ce qu’il allait faire. Il fit signe à l’orchestre de cesser toute musique et prit place sur la piste de danse encore vide à une heure où les clients étaient encore attablés. Il entonna un chant irlandais en improvisant une gigue assortie de mimiques des plus comiques. Farrell se faufila jusqu’à l’escalier. Il aperçut de loin son homme de main danser, chanter et faire le pitre au grand étonnement mais aussi grand amusement de tous. Casey était irrésistible et l’on ne pouvait lui reprocher que ses goûts désastreux en matière de cravates. Il n’avait encore jamais se montré son inénarrable talent comique en raison de sa profession, mais il ne savait comment faire pour détourner l’attention.

Pendant que Casey quittait la piste de danse sous les bravi, Farrell déposait la jeune fille avec précaution sur le canapé du petit appartement. Il se pencha légèrement sur elle pour l’observer tandis qu’elle était encore inconsciente. Elle était jolie. Elle avait perdu son chapeau dans cette impasse sordide, il remarqua qu’elle avait une longue chevelure brune, elle avait également perdu les épingles qui la retenait en chignon sur la nuque. Ses vêtements avaient été un peu malmenés mais ils étaient intacts. Ils étaient usés et avaient connu des jours meilleurs. Farrell ne pouvait s’empêcher de fixer ses lèvres finement ourlées et eut beaucoup de mal à ne pas essuyer du bout des doigts les larmes qui avaient dévalées ses joues. Il avait tendu la main mais avait suspendu son geste. Il comprit qu’il avait bien fait car la jeune fille reprenait doucement conscience, il ne fallait pas l’effrayer. Elle étouffa d’ailleurs un cri en le voyant si près d’elle, bien qu’il ne soit plus penché. Elle ne reconnut pas l’homme qui l’avait sauvée, elle ne l’avait pas vu. Elle n’avait fait qu’entrevoir un homme qui prenait sa défense avant de sombrer dans l’inconscience. Farrell le comprit.
- N’ayez pas peur, dit-il très doucement, vous n’avez rien à craindre… Je vous ai trouvée et j’ai mis vos agresseurs hors d’état de nuire.
La jeune fille, apeurée et terrifiée, était complètement perdue. Elle s’était assise brusquement et dut s’immobiliser un instant afin de calmer un léger vertige.
- Chut… Chut… C’est fini… Ils ne sont pas là… Restez couchée, vous êtes encore épuisée…
Elle ne connaissait pas cet homme, elle ne connaissait pas cette pièce, ce canapé sur lequel il l’avait allongée. Pourtant, elle lui obéit. Elle avait compris que c’était lui qui l’avait sauvée. Dès lors, elle se sentit rassurée par la présence de cet homme et consentit à se laisser faire comme il plaçait un coussin supplémentaire sous sa tête pour que son confort soit meilleur. Elle cessa de trembler et sécha ses larmes, acceptant le mouchoir qu’il lui tendait. Elle était calmée. Elle savait à présent qu’elle était en sécurité dans ce lieu inconnu, en présence de cet homme sans toutefois pouvoir expliquer cet effet magnétique que Farrell semblait avoir sur elle.

Farrell fut satisfait de voir la jeune fille se calmer. Il désirait lui poser quelques questions mais sans la brusquer. Il n’insisterait pas si elle ne voulait pas répondre. Du moins, pour le moment. Il lui sourit à nouveau.
- Comment vous appelez-vous ?
La jeune fille détourna son visage.
- Que faisiez-vous dans ce quartier à pareille heure ? Vous vous êtes perdue, vous n’êtes pas d’ici.
Toujours le même silence.
- Je vous ai vu devant mon établissement. Vous vous rendiez à cette adresse ? Quelqu’un que vous connaissez ?
Elle restait muette. Elle ne se sentait pas encore prête pour parler. Farrell se montra compréhensif et, ainsi qu’il se l’était promis, n’insista pas. Il devina qu’elle avait dû vivre des moments difficiles bien avant l’agression de ce soir. Elle avait déjà l’air apeuré, devant la porte du night-club. Soudain, Farrell entendit frapper à la porte du bureau, probablement Casey et la tisane qu’il avait demandée. Il se leva, disant à la jeune fille qu’il revenait immédiatement, qu’elle n’ait pas peur. Il alla prendre une boîte de somnifères dans l’un des tiroirs d’une commode placée hors du champ de vision de la jeune fille, de sorte qu’elle ne le vit point. Il se rendit dans son bureau, serrant la boîte dans sa main, sans qu’elle la remarque. A son arrivée, alors qu’elle était encore évanouie, Farrell avait demandé que l’on prépare une tisane pour elle. Il prit la tasse des mains de Casey et le congédia d’un hochement de tête. L’homme de main ne partit qu’à contre cœur, avide de connaître toute l’histoire, mais un signe impatient de son patron lui fit comprendre qu’il devait reprendre son poste.

La jeune fille s’était demandée qui donc venait, était-ce la police ? Mais elle vit son sauveur revenir seul, une tasse à la main. Il s’assit de nouveau près d’elle, sur la chaise qu’il avait placée près du canapé.
- C’est une tisane, expliqua Farrell. Buvez, cela vous fera beaucoup de bien…
Elle hésita un instant puis accepta la tasse qu’il lui tendait. Il ne lui ferait pas de mal, elle le sentait au fond de son cœur. Elle but l’infusion jusqu’à la dernière goutte. Elle était tiède, la jeune fille ne se brûla point les lèvres ou le palais. Dans son bureau, Farrell avait mis des somnifères dans la tisane. Il fallait qu’elle dorme. La jeune fille se détendit très vite. Les médicaments faisaient effet. Un soupir à peine audible franchit ses lèvres :
- Merci, Monsieur…
Il avait entendu sa voix quand elle avait crié, mais c’était les premiers mots que Farrell entendait d’elle…
Revenir en haut Aller en bas
Johnny Farrell
I run the joint
Johnny Farrell


Messages : 36
Date d'inscription : 31/10/2008

"The Gambling Joint" Empty
MessageSujet: Re: "The Gambling Joint"   "The Gambling Joint" Icon_minitimeMar 11 Nov - 15:33

Chapitre 2



Elle dormit longtemps ainsi allongée sur le canapé. Johnny Farrell était resté là à la regarder, guettant le moindre signe de mouvement de la jeune femme endormie. Mais le casino venait d’ouvrir, il ne pouvait rester éternellement à la veiller. On était samedi soir, les affaires devaient continuer. Alors qu’il franchissait le pas de la porte, il jeta un regard vers elle, et hocha doucement la tête en haussant les sourcils, en signe d’incompréhension.



Damned ! Comme la soirée passait lentement ! A travers les nuages de fumée des cigares, et le bruit incessant émanant de la salle de jeu, Farrell allait et venait en tout sens, à l’affut du moindre écart de conduite, que ce soit des joueurs plus ou moins réguliers ou du comportements du personnel. Il était d’une humeur massacrante, lui qui se faisait habituellement un devoir de garder son sang-froid en toute circonstance. Il savait pourquoi. Il s’inquiétait. Il s’inquiétait pour cette inconnue qui dormait là-haut dans le bureau, c’était insensé ! Il s’était rapproché de l’escalier menant à son bureau mais n’était pas encore décidé à monter, la soirée ne faisait que commencer. Il continuait de saluer le visage fermé les clients qu’il croisait, mais son regard se tournait obstinément vers la mezzanine. Il réprima un profond soupir d’agacement lorsqu’il vit ce maudit Oncle Pio s’approcher de lui. Le vieil homme commença à astiquer la rampe de l’escalier avec une serviette blanche, un sourire insolent sur le visage. Farrell tira sur sa cigarette et marmonna :

« Qu’est-ce que tu as à sourire de la sorte ? »
« Vous êtes embêté Mister, vous ne savez pas quoi faire d’elle ! »
« Comment es-tu au courant ? Tu m’espionnes ?! »
« Je vous ai vu passer lorsque vous l’avez emmenée là-haut Mister ! Vous ne savez rien d’elle n’est-ce pas ?»
Farrell écrasa sa cigarette dans un cendrier, expirant dans un soupir un dernier nuage de fumée.
« Parce que toi si, évidemment ! »
« J’étais là avant vous, et… »
« Je sais, je sais ! Bon, vas-y je t’écoute ! Tu connais cette fille ? »
« Non. Mais je l’ai souvent vue passer devant la porte d’entrée, elle traine dans le quartier depuis quelques jours »

Johnny Farrell considéra silencieusement le petit homme moustachu durant quelques secondes avant de le planter au bas des escaliers sans un mot de plus.


Le brouhaha du casino envahit l’espace de quelques secondes le bureau silencieux avant de s’éteindre tout aussi brusquement lorsque Farrell referma la porte derrière lui. Elle était toujours endormie, elle n’avait pas bougé. Soulagé de voir qu’elle allait bien, Farrell reprit sa place sur la chaise près du canapé et regarda de nouveau ce visage endormi. Il voulait savoir ce qu’il se cachait derrière ces délicates paupières closes, et il le saurait. Il se raidit soudain alors que ces mêmes paupières frémissaient. La jeune femme brune s’éveilla dans un imperçeptible gémissement. Il lui sourit.

« Comment vous sentez-vous… ? »

Dans la pénombre, la jeune femme reconnut en contre-jour l’homme qui était venu à son secours quelques heures plus tôt. Elle se sentait bien, mais son esprit était encore un peu embrouillé. Elle ne put que lui sourire timidement sans pouvoir prononcer un mot. Farrell lui tendit un verre d’eau qu’elle but entièrement. Elle s’était assise au bord du canapé, gardant ses mains crispées sur sa robe défraîchie. Elle semblait être remise, Farrell reprit les questions qu’il lui avait posées quelques minutes auparavant.

« Je m’appelle Farrell. Johnny Farrell. Vous êtes en sécurité ici. Puis-je connaître votre nom ? »
Cette fois-ci elle répondit, en murmurant : « Rosetta… »
« Rosetta… Enchanté… Est-ce que vous vous rappelez la raison pour laquelle vous vous trouviez devant mon établissement ? »
Rosetta baissa la tête.
« Je… Je cherchais du travail… »

Elle se leva brusquement. Farrell l’imita aussitôt et se planta devant elle. Elle avait l’air de nouveau paniquée et s’était agrippée à son costume.

« Il faut que je parte… Laissez-moi partir ! »

Farrell plongea dans ce regard embué de larmes alors qu’il la retenait par le bras. Non il ne la laisserait pas repartir dans la jungle urbaine sans savoir qui elle était et d’où elle venait.

« Je ne pense pas me tromper en devinant que vous n’avez nulle part où aller. Alors vous allez rester là Rosetta. Je m’occupe de vous à présent »
« Vous ? Mais… »
« Pas de ‘mais’ qui tienne, Miss ! Je suis le patron ici, vous n’avez rien à craindre, vous pouvez me faire confiance. »

Le cœur battant, Rosetta n’osa pas protester une nouvelle fois et hocha de la tête. Elle se rassit sur le canapé de cuir, un timide sourire aux lèvres. Farrell l’observa en silence. Tout en elle respirait la gentillesse et l’innocence. Le cœur serré, il replongea un court instant dans ses souvenirs brumeux. Il ne pensait pas qu’une telle personne puisse encore exister pour lui…






Les jours s’écoulèrent et Rosetta se remit complètement. Farrell l’avait installée du mieux qu’il put dans le bureau ou dans la petite pièce attenante. Ce n’était pas des plus confortables mais c’était toujours mieux que de la laisser dans les rues grises de Chicago à la merci du premier venu. Farrell était content, car elle ne se plaignait jamais. Elle restait silencieuse la plupart du temps, mais il sentait qu’elle se détendait. Son regard apeuré avait laissé place à un joli visage souriant bien qu’encore timide. Elle ignorait pourquoi elle restait là chez cet homme dont elle ne connaissait rien, mais quelque chose en lui lui disait que c’était quelqu’un de bien. Le regard qu’il posait sur elle était parfois teinté d’une surprenante tristesse, et la jeune femme sut qu’elle pouvait lui faire confiance. Et puis… il avait raison, elle n’avait plus d’autre endroit où aller.

Elle avait osé se confier une fois. C’était tard le soir, ou bien tôt le matin, Johnny venait de fermer le casino, la nuit avait été fructueuse. En rentrant dans le bureau il avait eu la surprise de la découvrir à moitié endormie sous une couverture, elle l’attendait… Elle lui parut plus belle que jamais, les cheveux légèrement décoiffés et la mine fatiguée. Lorsqu’il lui demanda ce qu’elle faisait ainsi, elle lui murmura « vous me manquiez ». Il s’était alors assis à ses côtés et l’avait prise dans ses bras. Sans qu’il ne dise rien, Rosetta commença à lui parler doucement, de sa vie, de ses origines. Enfin elle se livrait à lui. Il apprit ainsi qu’elle était orpheline. Son père était mort à la guerre, sa mère les avait quittés bien plus tôt déjà. La petite Rosetta avait du apprendre de bonne heure à s’occuper d’elle toute seule. Comme il s’en doutait, la fragile jeune femme qu’il serrait dans ses bras avait connu des moments difficiles. Comme moi…

« J’ai trouvé une place chez une fleuriste qui voulut bien me prendre, continua la jeune femme, mais la boutique a du fermer il y a deux semaines. J’ai cherché un autre travail mais je n’ai rien trouvé… »
« Vous êtes très courageuse Rosetta…. Vraiment. »
« Comme je ne trouvais rien, je me suis dit que… que.. enfin qu’il y aurait peut-être de la place dans l’un de ces établissement de nuit… C’est à ce moment que vous m’avez vue devant votre entrée, je n’osais pas rentrer…»


Farrell ne répondit rien. Il avait beau jouer les durs devant les autres, elle avait le don de le toucher en plein cœur à chaque fois. Malgré son aspect délicat, cette jeune femme avait su aller au delà de ses capacités et dépasser ses peurs. Combien de temps aurait-elle tenu encore comme cela… ? Il reserra ses bras autour de ses frêles épaules et l’embrassa sur le front.
« Je suis là maintenant Rosetta…. Don’t worry »



.
Revenir en haut Aller en bas
Rosetta Farrell

Rosetta Farrell


Messages : 17
Date d'inscription : 31/10/2008

"The Gambling Joint" Empty
MessageSujet: Re: "The Gambling Joint"   "The Gambling Joint" Icon_minitimeVen 14 Nov - 2:01

Chapitre 3



Au fil des jours, Rosetta reprenait des couleurs et des forces. Farrell veillait à ce qu’elle mange bien. Avant chaque repas, il allait lui-même dans les cuisines du night-club, ce qu’auparavant il ne faisait jamais hormis pour s’assurer que le personnel était bien au travail, et commentait le contenu des plats. Il fallait que Rosetta ait tout ce qui était bien pour sa santé, mais aussi tout ce qui lui ferait plaisir. Elle était maigre à son arrivée, « je veux qu’elle se remplume un peu » avait-il expliqué aux cuisiniers. Après quelques jours d’attentions, si bien choyée, Rosetta apparaissait en bonne santé comme sortie de convalescence. Elle ne cessait de remercier Farrell chaque fois qu’elle le voyait, ce qui était assez souvent car il se faisait un point d’honneur de déjeuner et de souper en sa compagnie, sur la petite table près du canapé qu’il désertait à présent pour le laisser à celle qu’il appelait son invitée.

La présence de Rosetta, en effet, posa des questions d’ordre pratique : Farrell dormait sur place, n’ayant pas d’autre domicile, comment protéger l’intimité de la jeune fille qui s’effrayerait de le voir dormir près d’elle ? Il avait tout de suite choisi de lui abandonner son canapé. Rosetta avait besoin d’une couche confortable, lui pouvait s’en passer. Dès le premier matin, puisque Farrell travaillait la nuit, le canapé fut préparé comme d’ordinaire avec draps couvertures et oreillers mais pour la jeune fille. Farrell, lui, demanda qu’on lui donne une autre couverture, il dormirait dans son bureau, à même le sol, en attendant qu’un autre canapé lui soit livré. Casey s’alarma de voir son patron dormir par terre et l’invita à passer quelques temps chez lui, avec sa famille, où il disait avoir un canapé inoccupé, mais Farrell refusa : Casey avait une femme et deux petites filles, il ne voulait pas s’imposer chez eux ne serait-ce que peu de temps et, surtout, il refusait de laisser Rosetta toute seule. Il savait qu’elle aurait peur et si jamais le feu prenait il ne se pardonnerait jamais de l’avoir laissée et de ne pas avoir été là pour la faire sortir. En effet, pour des mesures de sécurité, le bureau était toujours fermé à clef afin que nul intrus ne puisse y pénétrer pour voler des papiers ou la caisse du casino. Ces mesures pouvaient tout aussi bien se révéler un terrible piège et, ne pouvant confier les clefs de l‘établissement à Rosetta, Farrell savait qu’elle brûlerait vive si elle dormait dans la petite pièce toute seule, sans moyen pour en sortir en cas d’incendie.

Le nouveau canapé arriva quelques jours plus tard. Farrell avait le dos douloureux de ces heures passées sur le sol mais il ne s’en plaignait pas. Il avait tenté de dormir dans le fauteuil de cuir de son bureau, enroulé dans une couverture comme il avait trouvé un soir Rosetta qui l’attendait ainsi, mais cela n’avait guère été mieux. Avait-il oublié toutes ces nuits qu’il avait passé dans des hôtels minables, de véritables coupe-gorge, avant de travailler au casino ? Sans doute perdait-on vite l’habitude de la misère et c’était tant mieux, cela signifiait que Rosetta oublierait bientôt les moments difficiles de son passé, un passé dont elle n’avait jusque là conté que quelques bribes. Farrell aurait bien des choses à lui confier aussi, mais le moment n’était pas encore venu. Il restait pour le moment l’homme qui l’avait sauvée et cela suffisait. Rosetta ne posait d’ailleurs pas de questions, Farrell en était content. Elle l’appelait « Mr Farrell » avec une telle douceur dans la voix qu’il ne pouvait qu’en être touché. Il avait tenté plusieurs fois de se faire appeler « Johnny », mais la timide jeune fille n’y arrivait pas. Elle le disait pour oublier aussitôt. En revanche, elle lui permettait « Rosetta », n’osant peut-être pas lui faire remarquer une familiarité qu’elle considérait de toute façon comme si pleine de tendresse qu’elle ne pouvait qu’aimer les « Rosetta » prononcés par Mr Farrell. Elle aimait aussi ses « Miss », elle aimait tout ce que disait Mr Farrell. Elle avait trouvé tout naturel, outre le fait de n’avoir nulle part où aller, d’accepter de s’installer dans cet établissement avec un homme qu’elle ne connaissait pas. Pourtant, ils étaient seuls dès que fermaient les portes du night-club et seul un mur percé d’une porte les séparait lorsqu’ils dormaient. Rosetta s’était tout de suite sentie en confiance et n’avait pas eu peur de ce qu’il pourrait se passer une fois les lumières éteintes, en dépit de sa mésaventure passée dans les rues de Chicago. Elle avait confiance en lui sans savoir pourquoi.

Il fallait des robes pour Rosetta, des chapeaux aussi car une fois par jour Mr Farrell l’emmenait en promenade, marcher un peu pour ne point rester enfermés. Il était essentiel qu’elle voit la lumière du jour, qu’elle reçoive les bienfaits du pâle soleil d’automne, prenne l’air et marche. Chaque après-midi, après le déjeuner, Farrell la faisait monter dans son automobile et l’emmenait à Lincoln’s Park. Nul autre que lui n’avait le droit de la promener. Il marchait à côté d’elle, sans lui donner le bras cependant pour ne point l’effaroucher et pour que personne ne la prenne pour sa maîtresse. Ils se promenaient de préférence près du lac, c’était l’endroit préféré de la jeune fille. Il la regardait avec plaisir, il la trouvait si jolie. Il lui avait acheté des robes dès le lendemain de leur rencontre, lui promettant qu’elle ne manquerait de rien. Elle avait aussi un joli chapeau ainsi qu’un manteau bien coupé, des souliers, un sac à main. Des trésors pour elle. Une chemise de nuit et une robe de chambre également. Elle manquait réellement de tout, avait dit Casey chargé par son patron de ramener au casino le peu qu’elle possédait dans la chambre meublée qui fut son seul logement depuis qu’elle avait perdu son emploi de fleuriste.

Les rumeurs allaient bon train au casino, mais seulement lorsque le patron n’était pas là, lorsqu’il était en promenade avec Rosetta ou dans son bureau avec elle. L’on disait qu’il avait « ramassé une petite » qu’il avait installée dans la mezzanine pour son plaisir personnel. Personne, hormis Casey et Oncle Pio, ne comprenait l’affection qu’il avait pour Rosetta, il ne pouvait s’agir que d’une fille contrainte à la prostitution qu’il avait pris en pitié après avoir été son client et qu’il traitait maintenant en maîtresse entretenue. Ils disaient aussi que sa présence était peut-être un danger, que le patron l’avait peut-être arrachée à un proxénète violent qui ferait tout pour la retrouver. Pourtant, Farrell ne la cachait pas, il l’emmenait en promenade et dans les boutiques aux vues et aux sus de tous. Si elle passait la majeure partie de son temps dans la mezzanine, c’était parce que Farrell s’y trouvait et que la place de Rosetta n’était pas dans la salle de jeu ou dans le night-club où lui devait se montrer ne serait-ce que pour saluer les clients. Casey avait déjà joué des poings pour faire taire les médisants. Il n’avait rien répété au patron, sachant que Farrell ne supporterait pas ces ragots.

Un soir, Rosetta tricotait sagement, assise sur le canapé, pendant que Farrell arrangeait sa cravate avant de descendre. Depuis qu’elle était là, elle n’avait rien fait pour mériter son pain quotidien, hormis un peu de ménage dans le petit appartement, se gardant bien de toucher au bureau dans lequel Farrell ne lui permettait d’aller qu’en sa présence, pour le regarder travailler ce qu’elle ne manquait pas de faire non sans admiration. Elle le contemplait, émerveillée, écrire dans les livres de comptes, silencieuse et agréable. Elle s’occupait aussi de recoudre un bouton si jamais Farrell en perdait un de son costume.
- Je me porte bien, maintenant, Mr Farrell, dit-elle soudain. Que puis-je faire pour vous remercier ? Je devrais travailler pour ne pas être une charge pour vous. Je pourrais aider vos employés pour le ménage de tout l’établissement, ou bien cuisiner, ou bien m’occuper de la blanchisserie, laver vos costumes, vos cravates, vos sou… vos chaussettes et les repasser.
Elle rougit légèrement, à la pensée des sous-vêtements de Mr Farrell, il s’en était fallu de peu qu’elle le dise.
- Ce n’est pas nécessaire, Rosetta, répondit-il en souriant, se tournant vers elle. Vous n’êtes pas une charge pour moi. Je suis heureux de vous avoir près de moi et votre présence me suffit. Vous entretenez ce petit appartement avec soin, il est devenu très agréable grâce à vous.
Il désigna un vase remplit de jolies fleurs fraîches.
- Vous savez vous occuper d’un intérieur, Miss, vous savez me rendre heureux avec des attentions que vous pensez sans doute toutes simples mais qui sont beaucoup pour moi.
Il désigna ensuite le tricot que faisait la jeune fille, ainsi que son panier à couture, à ses pieds, l’un des rares biens que Casey trouva dans sa pauvre chambre meublée.
- Vous avez des doigts de fée ! Vous m’avez dit que vous faisiez un pull-over pour moi et j’y tiens énormément. Vous avez aussi commencé de jolies broderies. Ce que vous faites, c’est me rendre heureux et cela ne s’achète pas.
Sur ces mots, Farrell se pencha sur Rosetta pour l’embrasser sur le front comme chaque soir au moment où il allait travailler.
- Je ne serai pas long, Rosetta. Je vous promets de revenir très vite à mon bureau. Cela me fera plaisir que vous veniez tricoter dans le fauteuil à côté du mien pendant que je m’occuperai des comptes du casino.

Plus que jamais ce soir-là, les minutes parurent à Farrell des heures. Il ne tenait plus en place, il n’avait plus qu’une seule obsession : Rosetta. Il saluait distraitement ses clients et s’impatientait même lorsque certains voulaient lui dire quelques mots. Il s’éclipsa dès qu’il le put et se rua à l’étage sous le regard curieux de Casey mais néanmoins complice. Rosetta était toujours sagement assise sur le canapé. Elle n’avait pas bougé. Elle était obéissante et savait qu’elle n’avait pas le droit d’aller dans le bureau hors de sa présence.
- Rosetta…
- Mr Farrell ?
Elle était surprise de le voir déjà de retour mais elle en était heureuse. Sans en dire plus, Farrell s’assit à côté d’elle sur le canapé et s’empara de ses lèvres, la serrant dans ses bras tout en même temps. Elle le laissait faire, surprise et intimidée. Très vite, Farrell la fit basculer sous lui. Il la tenait aux épaules et la dévorait de baisers brûlants et de caresses. Il embrassait son cou en même temps qu’il déboutonnait sa robe. Elle ne se débattait pas. Il était en chemise mais si pressé que la cravate resta en place, se contentant seulement de tirer un peu dessus pour être moins serré. Les bretelles pendaient maintenant le long de son pantalon rayé. Rosetta se laissait entièrement faire. Il défit sa robe et lui ôta sa combinaison de nylon. Il ne restait plus que ses dessous. Ils disparurent en un clin d’œil. Farrell la vit soudain apeurée, ses yeux étaient inquiets, elle essayait de se dégager un peu mais faiblement.
- Ne vous inquiétez pas, murmura-t-il, vous aimerez cela…
Il venait de sentir sous ses doigts la virginité de Rosetta. Il lui promit de faire attention. Elle avait fermé les yeux, poussée par l’appréhension devant l’inconnu, alors qu’il ouvrait son pantalon et ses caleçons.
- Tout va très bien se passer, Rosetta…
Il la prit doucement, ne pouvant lui épargner un petit cri de douleur.
- Chut, c’est fini…
Il attendit un peu puis commença à aller et venir en elle. Rosetta soupirait désormais, elle s’agrippait aux épaules de Mr Farrell jusqu’à crier « Monsieur… Monsieur Farrell !! » Après de bien délicieux instants encore, Farrell se retira et fit passer Rosetta en travers de ses jambes pour qu’elle puisse se blottir contre lui. Il la câlina ainsi un long moment, jusqu’à ce qu’elle s’endorme tout doucement…
Revenir en haut Aller en bas
Johnny Farrell
I run the joint
Johnny Farrell


Messages : 36
Date d'inscription : 31/10/2008

"The Gambling Joint" Empty
MessageSujet: Re: "The Gambling Joint"   "The Gambling Joint" Icon_minitimeVen 14 Nov - 9:55

Chapitre 4





La porte d’entrée claqua bruyamment lorsque Johnny Farrell s’engouffra à l’intérieur du night-club. Dehors le ciel était d’un gris sombre et la pluie tombait avec force. Farrell resta quelques secondes immobile, reprenant son souffle, puis enleva rapidement son chapeau et son manteau trempés qu’il tendit au premier employé venu. On était en fin d’après-midi et les derniers préparatifs pour l’ouverture du casino se terminaient. Passant la main dans ses cheveux mouillés, Farrell se dirigea lentement vers l’escalier de marbre. Elle devait l’attendre. Comme tous les jours. Farrell poussa un léger soupir au souvenir de leur première étreinte ; il y en avait eu d’autres depuis. Il ne s’expliquait toujours pas son attirance envers elle, mais c’était ainsi, elle occupait littéralement toutes ses pensées. Alors qu’il allait commencer à monter les escaliers, Farrell s’arrêta net lorsqu’il surprit une conversation entre deux employés.

« J’te parie qu’elle va déguerpir avant la fin de la semaine ! Il va finir par s’en lasser ! Et elle doit commencer à lui coûter cher ! »
« Pourtant elle doit être douée la p’tite ! Ca fait un bout de temps qu’elle est là-haut. Elle doit bien faire son boulot, une vraie professionnelle ! Elle -- »

Un puissant coup de poing dans la mâchoire l’empêcha de finir sa phrase. Vert de rage, Farrell fusilla du regard les deux employés avant de se reprendre, et de lancer froidement : « Vous êtes virés. »



Farrell claqua la porte de son bureau sans ménagement, faisant sursauter la jeune femme, tranquillement assise sur le canapé en train de lire. Elle leva un regard surpris vers lui. Il restait planté devant la porte, silencieux, le regard sombre et la mâchoire serrée. Rosetta voulut murmurer quelque chose mais ses paroles restèrent bloquées dans sa gorge, tandis que Johnny traversa la pièce en quelques enjambées pour s’enfermer dans le bureau, sans un mot. Sans un regard non plus. Rosetta baissa les yeux.
Elle devait se douter que tout ceci ne durerait qu’un temps. Il avait fini par se lasser, elle l’ennuyait plus qu’autre chose. Elle savait que Mr Farrell ne voulait pas qu’on la considère comme sa « maîtresse », mais qu’était-elle donc alors …? Rosetta tenta de reprendre le fil de sa lecture, mais son cœur battait à se rompre. Elle ne voulait pas retourner dehors, sous la pluie, dans la grisaille, seule. Ses yeux noirs se voilèrent de larmes mais elle se retint. Non, elle ne voulait pas s’en aller…. Mais surtout, elle ne voulait pas le quitter, lui. Pourtant, elle savait que jamais elle n’oserait lui demander de rester. Elle essuya d’un geste rapide les quelques larmes qui roulaient sur ses joues. Elle avait eu déjà beaucoup de chance après tout, de l’avoir trouvé, d’avoir été sauvée. Qui était-elle pour qu’il veuille la voir rester ici ? Personne. Un petit animal égaré dont il avait pris soin quelques temps, tout au plus.


Une heure plus tard, Farrell ressortit du bureau, prêt à accueillir les clients, avec cette même élégance qui le caractérisait toujours. Il réajusta légèrement sa veste avant de se diriger vers la porte, jetant un rapide regard à Rosetta, toujours assise sur le canapé. Son regard était moins dur qu’il y a quelques minutes, mais une profonde lassitude semblait s’inscrire sur son visage fermé. Il murmura un vague « Bonsoir Rosetta » avant de refermer la porte sur la jeune femme, restée silencieuse.




C’était une soirée fructueuse. Le night-club était rempli et la salle de jeu du casino ne l’était pas moins. Farrell allait et venait, de table en table, observant tel joueur, saluant telle connaissance. Le bruit et l’alcool embrouillaient son esprit et l’étourdissaient, mais il se sentait intérieurement bouillir. Et il ne savait pas pourquoi. En fait, si, il savait. Mais il ne voulait pas y repenser. Farrell avisa une place libre au bar de la salle de jeu et s’y installa. Pour la cinquième fois de la soirée, il avala d’une traite le verre de whisky qu’on lui servit et en redemanda un autre. Il n’avait pas pour habitude de boire, pas de cette manière en tout cas. Mais ce soir il avait besoin de passer ses nerfs quelque part. Il referma doucement sa main autour du verre glacé, et le serra. La colère revenait. Non, elle n’était pas qu’une maîtresse. Et il ne la payait pas. Non. Elle était… plus que ça. Mais c’était aussi une inconnue qu’il avait ramassée dans la rue, presque par hasard. Tout s’embrouillait, il ne savait plus. Il savait peu de choses d’elle, si ce n’est qu’elle n’avait pas grand-chose et qu’elle était seule. Elle était sans défense, obéissante, elle se laissait faire… Il vida un nouveau verre. Comment avait-il pu la toucher… Il n’avait rien à lui offrir, ne la connaissait pas, et il avait osé… Non, tout ceci devait cesser. Il ne pouvait pas continuer ainsi, à la garder dans son bureau comme une petite poupée bien sage. Ce n’était pas une vie, et elle méritait mieux. Et on cesserait de l’insulter derrière son dos. Farrell contempla son verre de nouveau vide et soupira, le cœur serré. Il effaça suffisamment vite une larme qui s’était échappée, avant que quelqu’un ne le remarque. Il savait ce qu’il devait faire, et il devait le faire maintenant.


Il traversa la salle de jeu rapidement, ignorant cette fois-ci royalement les clients qui le saluaient. Il devait aller lui parler tant qu’il en avait le courage, sinon il ne pourrait jamais. Il fallait qu’elle parte. C’était le parti le plus raisonnable à prendre. Farrell sentait l’alcool bouillonner dans ses veines au fur et à mesure qu’il avançait, et un sérieux mal de tête semblait naître. Il accéléra le pas. Elle devait partir oui… se construire une vraie vie, trouver un travail, ailleurs, loin d’ici. Avec lui elle ne pouvait rien espérer, il tenait une salle de jeu illégale, il n’était pas des plus recommandables, et ne valait pas grand-chose finalement. Non, elle n’était pas à sa place ici… Surtout pas en tant que maîtresse. Arrivé devant la porte de son appartement, il inspira profondément et entra, décidé, prêt à lui expliquer ce qu’il en était.


Rosetta sursauta pour la deuxième fois de la journée. Elle se trouvait toujours assise sur le canapé, plongée dans une demi pénombre. Farrell fut surpris de cette obscurité. Pourquoi n’avait-elle pas allumé ? Dans l’ombre il pouvait l’apercevoir. Elle se tenait sagement assise, les mains recroquevillées sur ses genoux, le regard tourné vers lui. Décontenancé pendant une seconde, il se reprit rapidement et alluma la petite lampe posée sur la console. Rosetta continuait de le regarder en silence. Elle lui parut étrangement calme. S’asseyant à ses côtés, il remarqua pourtant ses joues particulièrement rouges. Ses yeux aussi l’étaient. Elle avait pleuré… Pourtant son visage était serein, presque souriant. Johnny Farrell posa son regard sur ses mains: elle tenait serré entre ses doigts le pull over qu’elle était en train de faire pour lui et qu’elle avait bientôt terminé. Il posa sa main sur la sienne, légèrement tremblante.
« Rosetta… »

Il ne savait par où commencer. Il ne voulait pas la blesser ni lui faire de la peine. Mais il n’y pouvait rien, elle devait partir.

« Oui Mr Farrell ? »

Sa petite voix était cependant bien assurée. Elle attendait sagement qu’on lui dise quoi faire. Farrell se trouva un instant déstabilisé par son calme. Son léger sourire plus que tout lui déchirait littéralement le cœur. La pauvre ne se doutait apparemment pas de ce qu’il allait lui annoncer. Il reprit, le regard toujours posé sur leurs mains :

« Rosetta, je voudrais vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi ces derniers jours. Je… Vous avez été très bonne pour moi, je veux dire…, vous avez pris soin de moi et… »

Farrell s’arrêta encore, perdu dans son esprit embrouillé par l’alcool. Pourquoi était-ce si dur… ? Il ne se l’expliquait pas.

« Rosetta, reprit-il pour la troisième fois, vous méritez de vivre correctement et… enfin il faut que je vous dise que… »

S’arrêtant de nouveau, il poussa un soupir et leva les yeux vers elle, plantant son regard dans le sien. Toujours aussi calme, la jeune femme le regardait en souriant, attendant patiemment qu’il finisse sa phrase. Mais son regard voilé de larmes trahissait l’émotion qui la gagnait. C’est alors qu’il réalisa. Elle savait. Elle savait parfaitement ce qu’il était venu lui dire. Elle savait qu’il allait lui demander de partir. Ses lèvres souriantes s’étaient mises à trembler doucement d’une émotion qu’il ne remarquait que maintenant. Oui elle savait qu’elle devait partir mais n’en restait pas moins calme et déjà obéissante.

« Rosetta, je.. »
« Je sais Monsieur. » Elle baissa la tête, pour la première fois.
Ses petites mains vinrent s’aggriper au col de sa veste, comme cela lui arrivait souvent, alors qu’il la rapprocha de lui la serrant dans ses bras.
« Je sais ce que vous voulez me dire Mr Farrell » lui murmura-t-elle, tandis que ses doigts se crispaient davantage encore sur le tissu.
« Je… en fait Rosetta, je voulais vous dire… Je voulais vous demander….
… Voulez-vous m’épouser ? »

« Rosetta… ? »

La jeune femme se redressa lentement, les yeux écarquillés par la surprise, la bouche légèrement entrouverte, muette de stupéfaction.

« Rosetta ? Vous… vous avez entendu ? »
« O…Oui. »

Farrell s’écarta légèrement d’elle, soupirant intérieurement. Il réalisait avec peine ce qu’il venait de lui dire. Il n’avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle il lui avait dit ça, mais… c’était sorti tout seul. Comme une évidence. Oui, c’était bien là la seule chose à faire. Il l’aimait. Il la respectait. C’était là le seul parti convenable à prendre. La raison pour laquelle il avait mis tant de temps à le comprendre restait un mystère. Comme libéré d’un poids, Farrell reprit aussitôt toute l’assurance qu’il possédait habituellement. Il se remit à la fixer du regard, un léger sourire en coin.

« Je vous ai posé une question Miss, puis-je espérer une réponse de votre part ? »
« Je… Oui Monsieur je, … je veux bien vous épouser… »

Johnny Farrell lui sourit, l’air satisfait de son air encore surpris. Passant sa main dans sa chevelure brune, il l’attira vers lui en murmurant « C’est parfait alors, tout est parfait… ». Il emprisonna ses lèvres dans un long baiser, tandis qu’elle s’aggripait de nouveau à lui, glissant tout deux lentement le long du canapé en cuir.



.
Revenir en haut Aller en bas
Rosetta Farrell

Rosetta Farrell


Messages : 17
Date d'inscription : 31/10/2008

"The Gambling Joint" Empty
MessageSujet: Re: "The Gambling Joint"   "The Gambling Joint" Icon_minitimeMar 27 Jan - 2:12

Chapitre 5




Pas plus que Johnny, Rosetta ne prenait encore pleinement conscience des paroles qu’elle venait de prononcer. Il l’avait demandée en mariage à sa propre surprise, alors qu’il était entré dans le bureau avec l’intention de lui demander de s’en aller, et elle avait accepté sans l’ombre d’une hésitation, comme une évidence nichée en son cœur depuis longtemps. Quelques heures s’étaient écoulées depuis cette surprenante décision. Le casino était fermé, les derniers clients étaient partis. Aucun des employés n’avait revu Mr Farrell de l’instant où il avait quitté le bar, fébrile, pour gravir rapidement les escaliers de la mezzanine et se précipiter dans son bureau. On haussait les épaules : il était allé « la » retrouver. Depuis que Johnny avait renvoyé ceux qu’il avait surpris à insulter Rosetta derrière son dos, on évitait les allusions d’autant que Casey n’était jamais loin et ne manquait pas de tout répéter à son patron, mais on n’en pensait pas moins. Le patron était distrait et faisait passer cette fille avant sa clientèle. On le voyait moins souvent dans la salle du night-club ou la salle de jeu et l’on se demandait si le propriétaire des lieux était au courant. Tout ceci était dans les esprits de chacun mais il n’en était d’ailleurs pas moins vrai que Mr Farrell avait laissé une fois de plus la grouillante salle de jeu du casino pour étreindre et serrer Rosetta dans ses bras, et quiconque serait entré les aurait trouvés enlacés sur le canapé de cuir, la jeune femme dénudée entre les bras du patron. Il n’y avait aucun doute là-dessus, sur ce que Farrell avait l’intention de faire une fois enfermé dans son bureau avec elle, bien qu’en vérité son intention n’était au départ point celle-ci mais bien de demander à Rosetta de s’en aller. Ce n’était que par la suite qu’il l’avait une fois de plus fait succomber entre ses bras et, cependant, la nature de leurs relations venait également de changer, en quelques instants.

Blottie contre l’épaule de Johnny, Rosetta considérait le décor de la petite pièce, tout autour d’elle, sans pourtant le voir. Ses pensées l’accaparaient pleinement. Elle avait passé ces derniers jours dans une position des plus inconfortables, ne sachant quel statut était le sien. Elle avait laissé Mr Farrell la toucher, lui faire « des choses d’homme » ainsi qu’elle le disait, sans très bien savoir si elle le voulait, le pouvait ou le devait. Elle s’était laissée faire, n’opposant aucun refus à la volonté de cet homme. Le voulait-elle ? Elle ne le savait pas très bien, tout cela était nouveau pour elle et jamais aucun homme ne l’avait touchée avant Mr Farrell. Le pouvait-elle ? La question l’avait tourmentée sans qu’elle refuse pour autant les nouvelles étreintes qu’il lui avait donnée. Elle n’était ni son épouse, ni sa maîtresse, il l’appelait son invitée, quel était donc son rôle ? Lorsque Mr Farrell la couchait sur le canapé, Rosetta ressentait un sentiment de plénitude qu’elle n’avait encore jamais connu, elle était heureuse et pour rien au monde n’eut voulu qu’il s’en aille avant d’avoir terminé ses étreintes. Lorsqu’elle se réveillait ensuite, elle éprouvait un sentiment de culpabilité, se sentant pécheresse et ayant peur de ce qu’elle deviendrait lorsqu’il ne voudrait plus d’elle. Enfin, une autre question la hantait, le devait-elle ? Avait-elle cédé la première fois et toutes les autres par reconnaissance, gratitude, comme pour remercier Mr Farrell de l’avoir sauvée et d’avoir bien voulu s’occuper d’elle ? Et lui, avait-il décidé de veiller sur elle sachant ce qu’il pourrait obtenir ? Mais, à présent, toutes ces questions étaient inutiles. Rosetta venait d’accepter la demande en mariage de Mr Farrell et, quelques soient les motivations de cet homme, la jeune femme se promit de tout faire pour mériter cette place de femme mariée qu’il lui offrait. Elle sentit qu’il l’aimait pour lui demander de lier sa vie à la sienne pour toujours et cela lui suffisait.

Quels autres motifs auraient-il pu avoir pour l’épouser si ce n’est l’amour ? se demandait-elle. Rosetta était pauvre, elle n’avait rien et il avait déjà obtenu d’elle ce qu’il pouvait lui prendre sans avoir à l’épouser, seulement en la persuadant de se laisser faire. Il voulait l’épouser ! C’était plus que tout ce qu’il aurait pu lui donner. Assurément, Mr Farrell l’aimait, il n’avait pas pu lui demander de partir alors qu’il s’apprêtait à le faire, elle le savait et s’y était douloureusement résignée. Rosetta souriait, bienheureuse. Partir eut été un déchirement. Elle se promit une nouvelle fois d’être une bonne épouse. Mr Farrell ne regretterait pas de lui avoir offert son nom et sa protection dans un moment sans doute irréfléchi. Elle ne l’épousait pas pour se mettre à l’abri, pas seulement du moins, ni pour mettre leur courte liaison dans le droit chemin. Rosetta l’aimait et savait déjà qu’elle lui serait dévouée. Elle avait confiance, il ne changerait pas d’avis. Elle en eut la certitude très vite, alors qu’il se penchait vers elle pour lui dire qu’il avait une grande nouvelle à annoncer à ses employés. L’alcool ne faisait plus effet sur lui et pourtant il se souvenait de ce qu’il lui avait demandée et ne revenait point dessus. Il en paraissait même soulagé. Il eut pu avoir peur de ce qu’il lui avait demandée dans un moment irréfléchi mais ce n’était point le cas.

La nouvelle du mariage de Mr Farrell fut une bien grande surprise, décidée ainsi dans la nuit, annoncée dès le lendemain à tous. Ainsi, il épousait cette fille qu’il avait installée dans son bureau ! Dès lors, une fois revenus de leur surprise, la plupart des employés prirent le parti de ne plus s’intéresser davantage à cette histoire tant tout cela les dépassait. Il y aurait une Mrs Farrell, mais ils ne la verraient probablement pas souvent, que leur importait ? Johnny, de son côté, n’attendait pas de félicitations, il se contentait de leur apprendre sa décision pour s’assurer que plus jamais Rosetta ne serait insultée. Il estima d’ailleurs utile de préciser que Mrs Farrell serait toujours accueillie avec respect dans cet établissement et qu’il ne tolérerait aucun regard déplacé sur sa femme. Le propriétaire des lieux avait été informé du renvoi des deux hommes dont Johnny n’avait pu supporter les allusions ; il lui laissait carte blanche quant à la gestion du personnel, ce qu’il rappela, et chacun était maintenant mis au fait. « La petite » serait bientôt Mrs Farrell, la femme du patron.

Rosetta ne parut jamais aussi épanouie que pendant les quelques jours qui précédèrent le mariage, celui-ci devant avoir lieu très vite selon la volonté de « Mr Farrell », qu’elle continuait d’appeler encore ainsi malgré l’intimité qu’ils partageaient. Cela amusait Johnny qui la laissait faire avec un certain délice, ne pouvant s’empêcher d’apprécier dans ces « Mr Farrell » si doucement soupiré l’obéissance et la docilité de Rosetta. Il continuait donc, de son côté, à l’appeler « Miss », voyant que cela lui plaisait et que cela soulignait l’autorité qu’il avait sur elle en attendant qu’elle soit légalement à lui. Il aurait sa « Rosie Chérie », sa « petite mariée », sa « Mrs Farrell » et personne ne pourrait la lui prendre.

Le bonheur de Rosetta se lisait donc sur son visage ; Johnny ne passait pourtant pas beaucoup de temps avec elle, mais elle en connaissait la raison : au lieu de l’emmener en promenade, comme il avait eu l’habitude de le faire chaque jour, il allait chercher en ville, avant d’ouvrir le night-club, un appartement pour l’installer décemment. Il lui en parlait lorsque quelques minutes de répit s’offrait à lui au cours de la nuit, alors qu’elle restait éveillée pour continuer de lui tenir compagnie et dormir lorsqu’il dormait. Johnny désespérait de pouvoir loger sa future femme mais, deux jours avant le mariage, il avait enfin trouvé un joli appartement non loin du casino. Lui-même s’y installerait, il ne vivrait plus dans cette petite pièce derrière son bureau. Il se mariait dans l’idée de mener une véritable vie de famille, ce qui enchanta Rosetta lorsqu’il le lui en parla. Elle serait seule presque toutes les nuits, elle le savait, mais il serait près d’elle en tout heure du jour. Pour chacun d’entre eux, une aventure nouvelle commençait. Mr Farrell avait eu plusieurs liaisons par le passé mais jamais encore il n’avait installé l’une de ces femmes dans un appartement pour vivre auprès d’elle, ne serait-ce qu’un peu. Il pouvait même dire n’avoir jamais aimé. Il ne se souvenait que d’étreintes rapides dans des chambres d’hôtel lugubres. Ce n’était pas ce qu’il voulait offrir à Rosetta, il l’avait su dès le premier instant. Il savait aussi que pour elle ce serait également nouveau, mais qu’elle avait également déjà de forts bonnes dispositions pour s’occuper d’un homme. Elle avait su le rendre heureux par sa seule présence de tout ce temps passé dans son bureau, par sa compagnie silencieuse mais néanmoins précieuse. Elle lui donnerait l’attention qu’il n’avait jamais reçu, elle ferait tout pour rendre son quotidien agréable. Il y avait aussi autre chose : Mr Farrell n’avait pas encore pensé à la question des enfants, il le faisait maintenant. Il n’y avait jamais pensé encore. Il se surprit désormais à imaginer Rosetta enceinte et à en être heureux. Le moment viendrait où de tendres rondeurs épouseraient son ventre.

Le jour vint. Mr Farrell désirait que le mariage se déroule dans la plus grande simplicité, aussi se leva-t-il comme à son habitude, en fin de matinée, quelques heures avant d’emmener Rosetta à la mairie. Il commença également cette même après-midi comme il avait l’habitude de le faire, en déjeunant dans son bureau. Rosetta dormait encore sur le canapé, il ne l’avait pas conduite chez eux, réservant la découverte de leur foyer pour le moment où ils seraient mariés. Il l’éveilla d’un « bonjour, Miss » qui serait le dernier. La jeune femme ne tenait guère en place et manqua renverser le cendrier de Johnny comme elle l’aidait à s’installer pour déjeuner. Il s’amusait de cette nervosité et s’étonnait presque d’être si calme alors que c’en était fini pour lui d’être célibataire. Il n’y avait eu pendant longtemps que le jeu et lui, il y aurait désormais une épouse, une famille.

Enfin, il fut temps de se mettre en route. Johnny avait choisi Casey pour témoin et donné Huerta, un autre de ses employés, pour Rosetta. Ils se rendirent tous quatre à la mairie sans le moindre artifice, comme s’il ne s’agissait que de régulariser une situation déjà existante, ce qui n’était point faux non plus. Johnny portait un costume rayé comme à son habitude mais il avait offert à Rosetta un joli tailleur de couleur claire ainsi qu’un beau chapeau. Il vérifia qu’il avait bien glissé dans la poche de son manteau le petit écrin qui contenait l’alliance de Rosetta. Quelques instants plus tard, tous quatre attendaient parmi d’autres couples leur tour d’être mariés et de signer les papiers qui lieraient le sort de Rosetta à celui de Mr Farrell. La jeune femme regardait Johnny avec émerveillement comme il prenait une copie de l’acte de mariage et le pliait avec soin dans la poche intérieure de son costume. Il était désormais son mari.

Ce soir-là, Johnny n’alla pas travailler. Il emmena Rosetta dans ce qui était désormais leur foyer, cet appartement qu’il avait fini par trouver non loin du casino. Il était heureux de la voir parcourir les quelques pièces avec un air de ravissement qui signifiait « je suis chez moi, nous sommes chez nous ». L’appartement était spacieux et Johnny en était très content. Il avait voulu quelque chose de bien pour elle. Pourtant, sans l’appui du propriétaire du casino il ne l’aurait point eu. En effet, la situation financière de Johnny était difficile et instable. Il gagnait fort bien sa vie mais il gardait en mémoire des menaces du passé, des créanciers qui pouvaient à tout moment lui faire rendre des comptes. Il pouvait perdre très vite tout ce qu’il gagnait par son travail au casino. Il savait que lorsque ces hommes du passé finiraient par le retrouver, il lui faudrait trouver de l’argent par d’autres moyens. Il avait une épouse, désormais, ils auraient des enfants. Il devait désormais prendre des mesures pour trouver de l’argent. Ces sombres pensées voilèrent un instant son regard comme il soulevait Rosetta dans ses bras pour lui faire franchir la porte de leur chambre à coucher. Elle ne se rendit compte de rien, agrippée à son veston, les yeux mis clos dans une promesse d’abandon inconditionnel, heureuse d’appartenir à « Mr Farrell ».
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





"The Gambling Joint" Empty
MessageSujet: Re: "The Gambling Joint"   "The Gambling Joint" Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
"The Gambling Joint"
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» "Blanches colombes et vilains messieurs" (Joseph L. Mankiewicz - 1955)
» "Un meurtre sans importance" (Lloyd Bacon - 1938)
» "Les Incorruptibles" (Brian DePalma - 1987)
» "Le Parrain" (Francis Ford Coppola - 1972)
» "L'ennemi public" (William A. Wellman - 1931)

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Les Roses de Rosetta :: LES DESCENDANTS :: LE SPEAKEASY DE ROSETTA LA MOTTE-HALLORAN - LE CASINO DE ROSETTA FARRELL - LA CASA DI ROSETTA CORLEONE-
Sauter vers: